Industrie

La voiture est en train de devenir un centre de données à 4 roues

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La mobilité se conçoit désormais de manière multimodale et connectée, pour une expérience client « sans coutures », lui permettant de bénéficier en toute fluidité d’une grande variété de nouveaux services. Cela implique de gérer des flottes de véhicules communicants dotés de degrés d’autonomie divers et bardés de logiciels. Explications sur les implications de ces évolutions en cours avec Serge Bonnaud, Technical Leader pour l’industrie chez IBM.

 

De quelle manière l’évolution des technologies et des besoins de mobilité impacte-t-elle l’automobile ?

Serge Bonnaud – L’industrie automobile a amorcé une profonde transformation qui la projette du monde de la mécanique vers celui de l’informatique et des services. Le secteur a atteint une forme de maturité sur ce sujet depuis le lancement des premiers projets de voitures connectées au début des années 2010.
Des choix stratégiques importants ont été opérés par les constructeurs quant aux types de technologies installées dans la voiture (Android, iOS ou neutre), avec tout ce que cela implique sur le sujet du partage des données. Dans le futur, l’intelligence artificielle (IA) et l’Internet des objets (IoT) amèneront à gérer des flottes où les voitures autonomes vont coexister avec les véhicules conduits par des humains, les cyclistes, les piétons, etc. La voiture est devenue un objet connecté avec des degrés d’autonomie divers, mais le point de vue de l’IoT est très restrictif. Une automobile moderne utilise déjà plusieurs millions de lignes de code et près de 80 à 120 processeurs (ECU et GPU à terme) pour pouvoir analyser son environnement à travers des images et des signaux sonores.

En réalité, la voiture est en train de devenir une sorte de data center mobile, un centre informatique qui repose sur de nombreuses couches logicielles. Ce véhicule autonome connecté communique avec les plateformes de traitement de la donnée par des moyens de télécommunication 4G ou 5G en mode V2I (Vehicle to Infrastructure), mais aussi à terme avec les autres véhicules en mode V2V (Vehicle to Vehicle). De profondes réflexions sont aujourd’hui en cours chez les constructeurs automobile pour savoir quels types de technologies matérielles et logicielles, au sens informatique du terme, mais aussi réseau de communication, il est nécessaire de déployer dans le véhicule.

 

Quelles sont les conséquences de ce changement de paradigme ?

S. B. – Si la voiture devient un data center, elle doit être gérée comme un data center, en lui appliquant les bonnes pratiques informatiques, c’est-à-dire qu’il faut être capable d’assurer la qualité du service, de mettre à jour les données, de faire de la surveillance 24 h/24, d’anticiper les problèmes et de gérer la flotte de manière à s’assurer qu’aucun virus ne s’est introduit dans le véhicule, etc.
Puisque les constructeurs conçoivent des voitures à partir d’éléments logiciels (software-defined vehicle), il faut aussi réfléchir à la manière de faire collaborer tous les partenaires qui interviennent dans leur élaboration, c’est-à-dire ceux qui fournissent l’informatique, l’électronique, les algorithmes, les logiciels embarqués, les différents processeurs, le cloud, etc. Cela suppose de gérer ces solutions non seulement au niveau technique, mais aussi d’un point de vue business, pour savoir qui sera le garant de l’ensemble de cet écosystème et qui va le gouverner.

 

Sur quel type de réseaux cela va-t-il fonctionner ?

S. B. – Tout ne sera pas dans le cloud ! Par exemple, les communications de véhicule à véhicule se passent en local. On aura aussi de plus en plus de clouds hybrides, notamment parce que l’information sera répartie chez différents partenaires, en fonction des besoins de l’utilisateur. Un opérateur qui conçoit un service multimodal, combinant un véhicule, une trottinette électrique et un bus, doit s’appuyer sur une « plateforme » – c’est-à-dire un ensemble de clouds qui communiquent entre eux – pour opérer l’information et les données, afin que l’utilisateur puisse passer de façon fluide d’un moyen de transport à un autre. Aujourd’hui, les constructeurs automobiles mettent les données de leurs véhicules dans des plateformes qu’ils ouvrent à leurs partenaires. General Motors a ainsi fait venir sur sa plateforme OnStar Go, qui intègre Watson, des acteurs de la publicité pour diffuser des messages ciblés, mais aussi des distributeurs tels que Starbucks afin de passer une commande directement depuis le véhicule et payer l’essence directement à partir du tableau de bord intelligent. Autre exemple : pour fluidifier le trafic en ville, il serait intéressant d’agréger les données de plusieurs constructeurs sur une même plateforme avec une notion de serveur de données « neutre » – même si cela pose d’autres questions sur la gouvernance, le respect des données personnelles et les aspects contractuels. Ces approches nécessiteront d’élire un tiers de confiance pour garantir que les contrats seront respectés et pour gérer les transactions commerciales. Un médiateur devrait aussi pouvoir intervenir sur les questions de gouvernance.

 

Quelles technologies sont mobilisées dans ces approches multimodales et servicielles de la mobilité ?

S. B. – Pour mettre en place les systèmes de mobilité auxquels aspirent les utilisateurs, il faut, en plus de l’approche cloud, combiner de l’IoT avec du machine learning et de l’IA… Afin d’améliorer ses services au client, Daimler a ainsi fait migrer son service d’autopartage urbain Car2Go sur le cloud IBM dès la fin 2014. IBM a aussi développé avec Volkswagen We Commerce un service intégré qui fournit des recommandations « au bon endroit et au bon moment », ainsi que des conseils personnalisés aux conducteurs qui ont donné leur autorisation. La blockchain sera sans doute parmi l’une des technologies les plus pertinentes pour aborder les nouvelles manières de se déplacer. Elle permet en effet de fédérer au sein d’un seul et même réseau multimodal les différents acteurs qui vont proposer des services de mobilité, de gérer les transactions et de sécuriser les contrats et les micro-paiements. On le voit déjà avec la plateforme Car eWallet, basée sur la blockchain, conçue par IBM avec la banque UBS et l’équipementier automobile allemand ZF. Ce porte-monnaie électronique permet de payer les frais de péage, de stationnement et de covoiturage, et aussi de recharger les voitures électriques.

 

Technical Leader, IBM Europe, Industrial Sector

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