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Vers des SI plus durables by design

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A l’agenda des DSI, figurent la réduction de l’empreinte environnementale de l’IT et le soutien à la transition ESG Métier par la technologie. Au-delà de l’optimisation des Data Centers, ces nouveaux impératifs appellent une transformation profonde des S.I. pour « faire plus avec moins » :

  • Quels leviers pour réorienter efficacement les patrimoines applicatifs ?
  • Comment concilier ces évolutions avec de nouveaux systèmes fortement distribués (micro-services, data mesh, etc.) et viser une autonomie opérationnelle des équipes ?

En 2-3 ans, l’objectif de « durabilité » est monté sur le podium des priorités des dirigeants d’entreprise juste derrière l’amélioration de l’expérience client, et l’innovation produit.

Nous ne sommes toutefois qu’au début de cette vague de transformation :  Aujourd’hui, 86% des entreprises se sont dotées d’une « stratégie Durabilité », mais 35% seulement l’ont déclinée opérationnellement, et pour 20% d’entre elles, les stratégies digitale et durabilité sont alignées.

Les premières déclinaisons « Green IT » se sont principalement focalisées sur la gouvernance, les postes de travail, et les Data Centers : renouvellement ciblé des matériels, optimisation du refroidissement, sources d’énergie plus vertes, récupération d’énergie et consolidation des infrastructures.

En parallèle, les usages plus énergivores continuent à se développer : Data/IA, internet, sécurité renforcée… 

Quels leviers mobiliser pour aller plus loin ?

Face à ce défi, il faut désormais adresser la source de la consommation d’énergie, à savoir le patrimoine applicatif, et généraliser une culture de l’optimisation des ressources.

Au regard des initiatives de transformations des systèmes d’information déjà engagées actuellement dans la plupart des entreprises, nous souhaitons mettre en avant les axes de travail suivants :

  • Se doter de moyens industriels de mesure de l’empreinte carbone, et d’optimisation continue
  • Généraliser des pratiques de « sustainability by design », dans le prolongement des pratiques actuelles de « performance engineering »
  • Accélérer la modernisation et la transformation du patrimoine applicatif vers le Cloud Hybrid
  • Définir et promouvoir des modèles d’architecture entreprise tournés vers l’optimisation, en termes d’architecture applicative et d’architecture des données
  • Tirer parti des technologies d’Intelligence Artificielle et d’Automatisation pour faciliter la prise en compte de la dimension ESG dans les décisions Métier & IT au quotidien

Se doter de moyens industriels de mesure et d’optimisation continue

De façon pragmatique, en s’engageant dans une démarche ESG, chacun des acteurs recherche des KPI et des mesures clairs sur le périmètre dont il a la responsabilité, pour se situer régulièrement (empreinte carbone, efficacité, conformité …) et pour qualifier des axes d’optimisation. Les mesures souhaitées peuvent être par application, par service offert aux clients, par service consommé d’un partenaire, ou par système.

Au regard de ces besoins variés, les mesures disponibles sont très détaillées (cpu, ram, storage), mais morcelées par brique technique, et hétérogènes, ou inversement trop globales (consommation électrique).

L’évolution vers des systèmes massivement distribués (micro-frontends, micro-services conteneurisés, mainframe, services « cloud » et systèmes partenaires) rend ensuite caduque l’approche traditionnelle d’optimisation à partir de reporting brique par brique. Les analyses devenues plus complexes et des actions d’optimisation plus délicates peuvent conduire au statu quo par manque de temps.

La transformation verte appelle donc la mise en place d’un système de mesure et d’optimisation en continu, multiplateforme et multi-dimensionnel, partagés entre les acteurs métiers, product owners, architectes, équipes de développement, opérations,

  • pour consolider, et croiser, les différentes informations internes et externes (cartographie, traces, mesures APM, reporting de production, données des cloud providers et partenaires, références…)
  • pour proposer des KPI et vues agrégées, par service Métier, par application, ou par écosystème distribué, reflétant la situation et son évolution en termes d’empreinte carbone, de conformité et plus globalement d’atteinte des critères ESG
  • pour standardiser les politiques et pratiques d’optimisation
  • pour proposer en continu des recommandations contextualisées d’optimisation grâce à l’IA, et automatiser l’exécution sécurisée des ajustements d’infrastructure dans le prolongement d’une démarche AIOps

Cet outillage d’optimisation constitue un socle pour les autres chantiers à mener. En l’absence de solution complète clé en main, il est nécessaire constituer une architecture cohérente, associant différents logiciels spécialisés, des connecteurs/api, et des moyens de reporting autour d’un « carbon-datalake ».

Généraliser des pratiques de « Sustainability by Design »

Après les premières actions de sensibilisation des collaborateurs, l’objectif est désormais de stopper la création de « dettes vertes », en inscrivant la dimension environnementale au cœur des décisions d’architecture et de conception des solutions : choix d’hébergement, choix des modèles applicatifs, choix de mécanismes d’optimisation & caches, etc..

La logique d’optimisation des ressources s’apparente à celle de l’optimisation des performances. Pour en faciliter l’adoption, un bon accélérateur consiste à étendre les pratiques d’ingénierie des performances déjà en place en y introduisant de nouveaux critères.

Il s’agit alors de proposer aux différentes équipes projet, une approche de bout en bout d’ingénierie de la « durabilité », de la conception jusqu’à la surveillance de production, et de créer ainsi un cercle vertueux d’optimisation

  • Définir des objectifs de consommation ou d’amélioration
  • Établir des quotas pour chacun des éléments des écosystèmes
  • Formaliser des patterns d’architecture et d’écoconception pour diffuser les bonnes pratiques
  • Systématiser une hiérarchie de tests/vérifications spécifiques et d’optimisation des capacités, en outillant spécifiquement la chaine DevSecOps

Le succès d’une telle démarche dans la durée, nécessite un sponsoring fort à inscrire dans une gouvernance dédiée, qui peut se concrétiser par exemple par la mise en place de comités performance & optimisation. Cette impulsion doit aussi être relayée : la mise en place d’une guilde Green IT, par exemple, permet de favoriser la collaboration entre les multiples acteurs, et l’expérimentation de nouvelles approches.

Accélérer la transformation Cloud Hybrid

Pour « faire plus avec moins », l’évolution vers le Cloud présente certes des atouts techniques, mais surtout, elle implique une transformation d’entreprise qui mobilise l’ensemble du portefeuille applicatif, et qui modifie les pratiques Métier & IT. Ceci constitue un vecteur puissant pour accélérer la déclinaison opérationnelle des objectifs ESG. Inversement, le prisme ESG permet de faciliter l’implication des métiers dans une transformation cloud perçue parfois comme purement technique.

Techniquement, une approche Cloud Hybrid va favoriser une optimisation globale en associant des capacités internes on-premise et externes (hyperscalers) : une mutualisation à grande échelle, une élasticité des dimensionnements d’infrastructure, l’utilisation de services optimisés « sur étagère », et l’évolution vers des applications modulaires (container, serverless, ..).

Le recours aux hyperscalers (AWS, Azure, Google, …) ajoute la possibilité de bénéficier des efforts de transformation verte qu’ils ont engagés. Par exemple, Amazon annonce des plateformes alimentées 100% en énergie verte dès 2025, et une situation net-zero carbone vers 2040.

Attention, l’image d’un Cloud aux ressources fluides et sans limites peut aussi être un piège en détournant les acteurs de l’objectif d’optimisation. Par exemple, les services CaaS offrent des fonctionnalités d’autoscaling, qui supposent la définition de règles d’upscaling et de downscaling, mais aussi leur adaptation à l’évolution des usages dans la durée. Sur les implémentations en production, on mesure rapidement la difficulté à assurer une cohérence et une optimisation effective des configurations sur un parc de plusieurs centaines de containers gérés par de multiples équipes produits. Une automatisation intelligente s’impose. 

Revisiter et qualifier chacun des écosystèmes applicatifs de l’architecture du SI

Au cours du temps, les évolutions historiques des systèmes d’information, les limites technologiques et les urgences du time-to-market, ont souvent conduit à forcer la réutilisation de briques applicatives en l’état, à cumuler des couches de traitements, ou à dupliquer les informations dans de multiples puits de données. Des modèles trajectoires « de compromis » sont souvent en place dans les SI.

Les gains significatifs désormais attendus impliquent une approche d’optimisation globale, écosystème par écosystème, et d’alignement avec les nouvelles exigences ESG :

  • Revisiter et simplifier l’urbanisme du SI tel qu’il a été implémenté réellement, en examinant par exemple, la répartition des traitements & données,
    • entre SI Distribution et SI Production,
    • entre services de l’entreprise et service des partenaires de l’entreprise,
    • entre systèmes opérationnels et décisionnels, etc…
  • Définir des modèles applicatifs optimisés « front to back », en particulier pour les opérations de consultation en multi-canal, qui concentrent une grande partie des sollicitations et des consommations
  • Requalifier l’usage des traitements par lot (batch)
  • Intégrer ces nouveaux objectifs dans la gestion du parc applicatif

Les évolutions résultantes du SI sont potentiellement importantes, ce qui implique une approche itérative reliée aux priorités des métiers, pour qualifier rapidement de premiers domaines ou applications à transformer. Il est donc indispensable de fixer à court-terme une vision cible concrète qui puisse orienter, dans la durée, tous les chantiers de transformation impactant le SI.

Moderniser l’architecture des données

La gestion et le stockage des données sont la troisième source de consommation d’énergie et de moyens : disques, traitements de transformation, déplacements et recopies induits par le cycle de vie des données.

La généralisation des usages IA/Data tend également à accentuer ce phénomène.

En complément, des initiatives de type « IT for Green » recherchant des optimisations plus fines des consommations, ou le développement d’offres métier « orientées ESG » vont nécessiter la gestion de nouvelles sources de données (par exemple : saisonnalité, météo, référentiels de place, tables de conformité etc…).

Les principaux leviers d’optimisation des données sont connus :

  • Requalifier les périmètres et durées de rétention existants (approche la plus immédiate, en commençant par les messageries et autres sharepoints partagés)
  • Considérer de nouvelles solutions d’hébergement plus vertes dans un contexte cloud hybrid
  • Et surtout rationaliser globalement l’urbanisme des données pour supprimer les puits d’information intermédiaires redondants

Des démarches ponctuelles de ce type sont souvent déjà engagées aujourd’hui. Pour un impact plus important, deux initiatives clés de transformation du SI permettent de structurer ces travaux, et de passer à l’échelle, en capitalisant sur les avancées déjà réalisées :

  • Une démarche d’urbanisation des données modularisées et optimisées par domaine métier selon une approche data product / data mesh
  • Une démarche « Data Fabric» d’industrialisation et d’automatisation maximum de la gestion des données sur tous ses aspects (consolidation, standardisation, catalogue, transformation, gestion de la qualité, gouvernance, api, virtualisation, sécurité, …)

Des processus et des assistants « intelligents » pour gérer la complexité des opérations

A tous les niveaux de l’entreprise, la dimension ESG s’ajoute aux multiples critères que les acteurs doivent déjà prendre en compte dans leurs décisions, et dans la formulation de recommandations (budgets, risques, conformité, etc..).

Par exemple, la règlementation impose aujourd’hui à un conseiller bancaire d’intégrer formellement la sensibilité du client au risque et aux critères ESG dans chacune de ses recommandations d’investissement. Ceci s’ajoute à la prise en compte du profil commercial du client, de son comportement, des actions marketing en cours etc..

Pour maitriser cette complexité supplémentaire, les acteurs Métier & IT seront donc rapidement demandeurs de plus en plus d’outillage et d’assistants intelligents. Cette nouvelle famille de cas d’usage ne peut que renforcer l’importance pour les DSI d’anticiper une mise à l’échelle des organisations et solutions basées sur l’intelligence artificielle. 

En conclusion,

La réduction indispensable de l’empreinte environnementale de l’IT nécessite de repenser tous les aspects de l’architecture d’entreprise, de réorienter le parc applicatif, et surtout de passer rapidement à l’échelle les transformations du SI requises : optimisation et automatisation.

La boussole que constitue une vision claire d’un SI cible optimisé, durable, doit être cristallisée rapidement, associée à de nouvelles pratiques, pour guider les décisions et les projets de la DSI.

Il convient également de mobiliser les talents autour d’une nouvelle culture de l’optimisation, en déclinant concrètement les objectifs de résultats clés (OKR) de la DSI sur chacun des acteurs.

IBM Executive IT Architect

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